La cetra dorfeo discographie folias

Folias, folies baroques

Toutes les sources s’accordent à dire que cette forme remonte au moyen âge, issue de la tradition populaire dans la péninsule ibérique. Son caractère franchement gai convenait particulièrement aux fêtes où l’on dansait parfois jusqu’à la folie. En 1611, Covarrubias Horozco (Tesoro de la lengua castellana o española) explique que la danse était tellement débridée et bruyante que les danseurs semblaient entrer en transe. On trouve même mentionné dans la littérature de l’époque qu’elle fut parfois de pratique interdite…

Elle faisait partie des « standards » sur lesquels tout musicien digne de ce nom pouvait improviser des variations à l’infini, tels les jazzmen actuels avec les standards du Real Book. On trouve énormément de schémas de ce type à la renaissance, construits sur une ligne de basse et quelques accords, répétés inlassablement. Citons pour exemple le Passamezzo antico (Stingo), le Passamezzo moderno (Pagginton’s Pound), la Romanesca (Greensleeves), la Bergamasca (cfr notre CD Kaléidoscope), la Gaillarda Napolitana (Valente), la Ciaconna (Falconieri),  et la profusion de Grounds anglais dont Purcell en est devenu un prodigieux praticien. Improviser sur ces basses était donc pratique courante au XVIe siècle, et d’une improvisation, on aboutit tout naturellement à des chefs d’œuvres quand il s’agit de musiciens tels que Diego Ortiz ou Antonio Valente…. De nombreux compositeurs se sont ainsi emparés de cette forme plus ou moins standardisée pour écrire des variations. Chaque époque avait en quelque sorte ses règles et son style, et les diferencias (« diminutions » en espagnol) sur une Folia du XVe siècle (Ortiz par exemple) sont assez éloignées des variations d’une Folia de Carl Philip Emmanuel Bach, pour prendre l’autre extrême. L’évolution harmonique et structurelle suivent bien sûr le même chemin de l’Histoire. Entre les deux, on trouve des compositeurs comme Encina, Martin Y Coll, Falconieri, Corelli, Vivaldi, Couperin, Marais ou même Jean-Sébastien Bach. Au 18esiècle, la danse entra à la Cour sous forme de Sarabande, et se ralentit considérablement, en tout cas en France (mais n’a t’on pas gardé l’expression « une folle sarabande »…), car la sarabande anglaise semble avoir conservé son tempo rapide. Loin de s’essouffler, la forme a continué a être utilisée au XIX e siècle par Cherubini, Liszt, Rachmaninov ou notre compatriote Piet Swerts…

Les autres pièces vocales de ce disque ne font pas du tout référence à la folia en tant que danse, mais n’en évoquent pas moins une certaine forme de folie humaine, telle que « l’art d’embrasser » d’A. Hammerschmidt, « l’air de La Folie » de Rameau, ou « from rosy bow’rs de Henry Purcell.

Michel Keustermans.